Le contexte international

La volonté de créer un dispositif mondial d’identifiant unique des intervenants sur les marchés financiers s’est renforcée lors de la crise de 2007. Lancée par le G20 en 2011, l’initiative Legal Entity Identifier (LEI) s’est concrétisée par la mise en place d’un annuaire mondial pouvant servir de référentiel commun fin 2012 - début 2013.

Les codes LEI sont depuis lors utilisés au niveau international pour les obligations déclaratives des entités effectuant des transactions sur des instruments dérivés appliquées aux États-Unis ou en Europe.

La seconde étape de l’initiative, lancée mi-2017, consiste à compléter les données d’identification des demandeurs de LEI par celles de leurs détenteurs direct et ultime. Ces données dites « de niveau 2 » sont porteuses d’améliorations significatives de la connaissance de la composition des groupes, de leur assise financière et potentiellement de leur stratégie.

Un mandat politique fort issu de la crise financière

Le monde académique, les régulateurs et les superviseurs ainsi que l’industrie financière ont depuis longtemps débattu des attraits et des avantages d’une codification internationale permettant d’identifier les entités juridiques de manière unique. La crise de 2007 a été un accélérateur de l’initiative Legal Entity Identifier (LEI). La première pierre en a été posée au sommet du G20 à Cannes en novembre 2011. Les dirigeants du G20 ont ainsi confié au Conseil de stabilité financière (CSF, ou FSB en anglais) la mission de proposer des recommandations permettant de développer un LEI mondial.

« Nous soutenons la création d’un identifiant international pour les entités juridiques (Legal Entity Identifier – LEI), qui identifie de manière unique les contreparties aux transactions financières. Nous invitons le FSB à prendre l’initiative en aidant à coordonner les travaux de la communauté des régulateurs afin d’élaborer, d’ici au prochain sommet, des recommandations sur la mise en œuvre d’un cadre de gouvernance approprié, tenant compte de l’intérêt général, pour cet identifiant international. » (Déclaration finale du G20, 2011)

Dans un premier temps, un groupe d’experts composé sous l’égide du FSB et associant des représentants des banques centrales, des ministères des finances et autorités de contrôle a défini l’architecture cible, posé les grands principes de gouvernance et précisé le mode de financement. Ce groupe d’experts a établi un ensemble de 35 recommandations (Rapport FSB, 2012) qui serviront de principes fondateurs à l’initiative, approuvées par les dirigeants du G20 au sommet de Los Cabos de juin 2012.

« Nous approuvons les recommandations du FSB concernant le cadre d’élaboration d’un système d’identifiant international pour les entités juridiques (Legal Entity Identifier – LEI), qui identifie les contreparties aux transactions financières, avec un cadre de gouvernance mondial représentant l’intérêt public. Le système LEI sera lancé d’ici mars 2013. » (Déclaration du G20, juin 2012).

Dès cette étape, sont posées les bases qui vont permettre le développement de l’initiative LEI. Il est ainsi affirmé que l’association avec le secteur privé est essentielle à son succès ; le groupe d’experts a ainsi bénéficié de l’interaction avec les représentants de l’industrie financière sous forme d’ateliers de travail ou d’échanges interactifs continus. En établissant qu’un système d’identification mondial est un bien public, le groupe d’experts en a tiré des grands principes d’organisation de l’initiative : transparence et gratuité de l’accès à l’information, indépendance financière de l’agence centrale gérant le système la mettant ainsi à l’abri des risques de dépendance vis-à-vis de groupes d’intérêt, neutralité politique...

Le groupe d’experts a laissé la place à un groupe chargé de la mise en œuvre opérationnelle des recommandations qui, de juin 2012 à décembre 2012, a posé les fondations de l’initiative. En particulier, la construction juridique a reposé sur une Charte (novembre 2012) proposée à la signature des autorités de tous les pays intéressés, après approbation par le FSB (5e rapport d’étape) et le G20 (Communiqué du G20, novembre 2012). Cette charte définissait l’architecture cible : une agence centrale (COU : Central Operating Unit), un réseau d’opérateurs locaux (LOU : Local Operating Unit), un comité de surveillance réglementaire (ROC : Regulatory Oversight Committee) et un comité d’évaluation et des standards (CES).

Des objectifs ambitieux

Née des réflexions engagées après la crise des subprimes survenue en 2007, l’initiative LEI a affiché dès le lancement une grande ambition : une vocation mondiale, une mise en œuvre accélérée, un champ large (le LEI s’adresse potentiellement à toute entité juridique pouvant engager des transactions financières) et des usages potentiels multiples.

De fait, l’initiative a été marquée par ses origines et la prise en compte de besoins de surveillance macro et micro-prudentielles.

Améliorer l’identification des contreparties permet de mieux gérer la prise de risque par les acteurs et favorise ainsi une allocation plus efficace des risques dans le système financier mondial. Un cadre standardisé d’identification des intervenants sur les marchés financiers permet de disposer des bases pour la collecte d’informations sur les positions individuelles et ainsi de mieux appréhender l’exposition au risque tant au niveau individuel que de l’ensemble du système. La base de cette collecte est l’obligation qui est faite aux entités souhaitant intervenir sur les marchés financiers de demander un identifiant LEI.

Par le passé, si les bénéfices potentiels d’un meilleur système d’identification étaient reconnus par tous, les progrès dans ce domaine avaient été traditionnellement limités par deux principaux facteurs :

  • Premièrement, les systèmes déclaratifs existants, construits en réponse à des besoins essentiellement locaux, étaient largement intégrés dans les processus opérationnels. De fait, le changement devenait potentiellement très coûteux.
  • Deuxièmement, les incitations à réformer ces systèmes locaux étaient trop limitées pour les acteurs individuels, illustrant ainsi un problème classique d’action collective et de premier pas à faire.

La crise financière survenue en 2007 dans les économies développées a permis une prise de conscience collective du besoin d’agir et de la nécessité pour les secteurs public et privé de travailler ensemble pour résoudre les problèmes d’action collective.

La mise en place d’un annuaire mondial pouvant servir de référentiel commun a été la première étape de l’initiative (fin 2012 - début 2013). La seconde étape, lancée mi-2017, consiste à utiliser ce socle pour mieux appréhender les relations entre les différentes entités et mettre en place un système d’identification des liens entre entités légales pour établir une cartographie des groupes d’entreprises et institutions financières. Ces données dites « de niveau 2 » sont porteuses d’amélioration significative de la connaissance de la composition des groupes, de leur assise financière et potentiellement de leur stratégie. Leur collecte a débuté mi-2017 auprès des entités détentrices ou demandeuses de LEI.

Un système fondé sur l’auto-enregistrement des déclarants

La première étape de l’initiative consiste donc à attribuer un identifiant (LEI) qui fournit une identification unique et exclusive du déclarant. La stratégie suivie, très pragmatique, emprunte tout à la fois à l’approche juridique et à la démarche statistique. Annuaire et référentiel, la base de données des LEI offre un socle juridique et statistique qui repose sur un même besoin de définition de l’objet traité (notamment de la notion d’entité légale).

Le déclarant peut être une institution financière, une société non financière, un fonds et, plus généralement, toute entité avec personnalité juridique morale partie d’une transaction financière soumise à déclaration réglementaire. Les fonds sans personnalité juridique mais soumis à la réglementation européenne sur les produits dérivés (European Market Infrastructure Regulation ou EMIR, juillet 2012), aux obligations déclaratives définies par la loi américaine « Dodd Franck » ou à toute autre obligation déclarative ont également la possibilité d’obtenir un LEI et ainsi d’être autorisés à intervenir sur les marchés financiers.

Les personnes physiques ne sont pas autorisées à obtenir un LEI, notamment à des fins de protection des données personnelles (les informations renseignées par les demandeurs sont en effet en libre accès). Pour autant, la question reste posée pour les individus exerçant une activité professionnelle pour leur compte et plus généralement pour les déclinaisons juridiques multiples au niveau mondial de la notion d’entreprise individuelle.

explication

Quel que soit le statut juridique de l’entité, le LEI attribué est un code alphanumérique de 20 caractères conforme à la norme d’identification ISO 17442 de l’organisation internationale de normalisation et ne comporte aucune information sur le déclarant ou l’entité.

Chaque code est associé à des données de référence identifiant l’entité légale (données dites « de niveau 1 ») telles que le nom de l’entité, l’adresse et le numéro d’enregistrement de l’entreprise dans le registre du commerce local (en France, chaque LEI de société est associé à un numéro d’enregistrement dans le répertoire des entreprises Sirene).

Le système est fondé sur l’auto-enregistrement, ce qui fait du déclarant le premier responsable de la qualité des données associées au LEI. Les opérateurs locaux attribuant les LEI ont cependant le devoir de valider les données déclarées (par exemple en s’appuyant sur le registre local) et les procédures de contrôle font l’objet de vérification par l’agence centrale.

Une organisation décentralisée, une coordination exigeante

La mise en place d’un réseau décentralisé de LOU a nécessité une coordination et une harmonisation des pratiques, notamment en termes de qualité des données. Ceci a été assuré dans un premier temps par les autorités publiques en charge de la supervision du système via la définition de standards applicables dans le système. Depuis juin 2014, cette coordination est assurée par une fondation de droit suisse, la Global LEI Foundation (GLEIF) créée dans ce but. Cette dernière est également en charge de la vérification du respect des standards qu’elle a définis, ainsi que du processus d’accréditation des émetteurs de LEI.

Ainsi, chaque LOU émetteur de LEI doit prouver sa capacité à mettre quotidiennement à disposition du public (et des autres émetteurs) un fichier standardisé des codes LEI émis localement et des informations qui leur sont associées, afin notamment de permettre une centralisation des LEI émis et d’éviter l’émission de doublons. Il doit également assurer la diffusion de ces données en open data, afin d’en permettre une utilisation large.

Une telle procédure suppose en premier lieu de pouvoir gérer globalement la multiplicité des langues utilisées localement et chaque entité doit donc fournir une version romanisée du nom local. Cette translitération associée à un code unique est une première et forte assurance contre la duplication des codes.

L’attention portée à la qualité des données recensées est un des éléments qui s’inspire de la démarche statistique. Le principe de gratuité et de transparence de l’information offerte en open data permet d’intégrer les utilisateurs dans le système d’évaluation de la qualité des données, chacun pouvant « contester » auprès des opérateurs locaux les informations diffusées et demander une actualisation ou une rectification des données.

Vers le système mondial d’identification d’entités légales

Six ans après le sommet de Los Cabos qui marquait le début de la réflexion opérationnelle sur la mise en œuvre du LEI, l’état des lieux est plus qu’encourageant.

Début 2013, les autorités qui avaient signé la Charte se sont réunies pour la première fois à Toronto dans le cadre du Comité de surveillance réglementaire (ROC en anglais). Le Comité, qui est l’organe décisionnaire et qui est responsable de la gouvernance du système dans l’intérêt public, est ouvert à toutes les autorités signant la Charte. Mi-2013, le Comité accueillait 53 autorités membres et 19 observateurs. Il accueille aujourd’hui 72 autorités membres (dont 28 de l’Union européenne) et 18 observateurs.

L’utilisation du LEI s’est développée sur la base d’un engagement volontariste des autorités publiques. L’obtention d’un LEI par les acteurs opérant sur les marchés financiers a été rendue obligatoire d’abord pour les produits dérivés par la loi Dodd-Franck aux États-Unis dès février 2013 et la réglementation EMIR en Europe à partir de février 2014. Par ailleurs, l’Autorité bancaire européenne a imposé le LEI dans le contexte des obligations déclaratives bientôt suivie en cela par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles. En France, l’instruction 2013-I-16 de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution rend l’obtention d’un LEI obligatoire pour tous les organismes assujettis (établissements de crédit, entreprises d’investissement...). Et depuis janvier 2018, la révision de la directive européenne sur les marchés d’instruments financiers (MIF2) a élargi le champ des transactions sur instruments financiers nécessitant l’obtention d’un LEI. En dehors de l’Union européenne, de plus en plus de réglementations en imposent également l’obtention.

Les autorités membres du ROC ont posé les bases du succès de l’initiative en garantissant aux détenteurs d’un LEI la possibilité d’utiliser leur identifiant dans leur juridiction. Tout LEI, émis par un opérateur local agréé, peut être accepté dans le cadre des obligations déclaratives imposées par les autorités membres du ROC.

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