Le rôle de l'Insee

En France, l’Insee a été proposé dès 2013 par le ministère de l’Économie et des Finances pour être émetteur local d’identifiants LEI, en raison de son expérience dans la gestion de répertoires et d’identifiants.

Il a été confirmé dans ce rôle en 2018 par son accréditation par la Global LEI Foundation (GLEIF). Cette nouvelle activité conforte ainsi sa position prépondérante dans les processus d’identification des entités économiques françaises.

L’Insee, une exception dans le monde des LOU

Début 2015, 31 LOU étaient déjà sponsorisés par les membres du ROC mais seuls 22 étaient opérationnels. En France, dès février 2013, l’Insee a été désigné par le ministère de l’Économie et des Finances pour être opérateur local pour les entités de droit français (c’est-à-dire pour la juridiction française) : fonds enregistrés par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et personnes morales immatriculées au répertoire Sirene. Cette décision a été justifiée par :

  • le savoir-faire de l’institut en matière de gestion de répertoires et d’identifiants (Sirene), et de ce fait par sa capacité à mettre rapidement en place l’infrastructure informatique nécessaire ;
  • la proximité avec Sirene, pour vérifier l’existence et les informations d’identité des entités demandeuses ;
  • le souci d’une participation active de l’administration française à la mise en place de cette initiative mondiale ;
  • le souhait d’éviter un coût trop élevé pour les entités économiques françaises.

C’était également pour l’Insee l’assurance de continuer à jouer un rôle prépondérant dans les processus d’identification des entités économiques françaises et de maîtriser la qualité de la table de passage entre les identifiants LEI et SIREN.

En 2015, la Gleif a mis en place une procédure d’accréditation des LOU en lieu et place de la sponsorisation par les autorités financières. Gage d’une augmentation et d’une harmonisation de la qualité des données collectées, cette procédure a été imposée à tous les LOU déjà opérationnels ainsi qu’aux nouveaux organismes souhaitant devenir émetteurs de LEI. Mi-2018, la Gleif a ainsi accrédité 32 LOU dont l’Insee en France (en janvier 2018). L’Insee est un LOU, mais son statut d’administration ne joue aucunement dans l’activité qui en découle.

Il est à noter que, sauf exceptions, les instituts statistiques nationaux ne gèrent pas les répertoires d’entreprises. Les LOU sont majoritairement des opérateurs privés. Ils ne disposent pas d’un monopole sur une région donnée et chaque entité a la possibilité de choisir l’opérateur qui émettra ou maintiendra son LEI. Dans certains pays plusieurs opérateurs peuvent exister (Allemagne, États-Unis...). Néanmoins, tous les LOU ne sont pas accrédités pour opérer sur toutes les juridictions, soit par choix, soit par difficulté d’accès à certains registres de sociétés ou de fonds. À ce jour, seuls 10 LOU sont accrédités pour opérer sur la juridiction française. L’accréditation est renouvelée chaque année.

Un système opérationnel au niveau international

Fin septembre 2018, plus de 1 280 000 LEI ont été émis pour des entités situées dans 223 pays, dont près de 920 000 en Europe. Si l’on se concentre sur les LEI valides (c’est-à-dire émis, certifiés et actifs) au niveau mondial, on en dénombre 1 045 000 dont près de 766 000 en Europe. La liste de l’ensemble des LEI émis, actualisée quotidiennement, est disponible en accès libre sur le site de la Gleif.

Les principaux pays développés et émergents sont associés à l’initiative, mais la répartition géographique des codes émis reste déséquilibrée. L’essentiel des codes émis correspond à des entités européennes et nord-américaines. Ceci est lié, en partie, à la répartition géographique des intervenants sur les marchés financiers mais également à des calendriers réglementaires différents. Le LEI s’inscrit naturellement dans un agenda européen d’intégration toujours plus poussée de la sphère financière, mais est plus dépendant aux États-Unis des stratégies des agences en charge de la régulation financière. L’accréditation des LOU chinois, coréen et japonais permet de rattraper petit à petit le retard pris dans le continent asiatique et souligne encore plus la faible pénétration du LEI en Amérique Latine. Il est notable que les centres financiers tels que le Luxembourg, les Îles Cayman, les Îles Vierges, Hong Kong ou Singapour hébergent un nombre significatif de LEI. Enfin, l’Afrique, traditionnellement à l’écart des initiatives dans le domaine financier, a pris sa part, certes modeste mais réelle, dans le développement du LEI. Quatre pays (Afrique du Sud, Angola, Nigeria et Île Maurice) ont ainsi signé la charte du ROC.

La France en 7e position des émissions de LEI

Fin septembre 2018, la France se situe en septième position en termes de LEI émis (environ 69 000 dont 54 000 valides), la très grande majorité émis par l’Insee (environ 62 800 dont 49 400 valides), ce qui situe l’Insee au huitième rang des émetteurs de LEI. Le système français, fondé sur un adossement du LOU au répertoire Sirene qui inclut le registre du commerce et au répertoire des fonds de l’AMF, a été longtemps un cas particulier. S’il permet d’atteindre le plus haut niveau de qualité (tout changement d’état civil est quasi immédiatement répercuté sur les LEI correspondants), il ne peut en revanche s’appliquer qu’aux entités légales de droit français enregistrées dans la base Sirene de l’Insee et aux fonds de droit français enregistrés ou déclarés à l’AMF. D’autres LOU ont choisi comme l’Insee de n’opérer que pour les entités de leurs propres juridictions. On en dénombre à ce jour neuf en plus de l’Insee. Il s’agit principalement de chambres de commerce ou d’émetteurs de l’identifiant unique national des entités de leur juridiction.

Du fait de la mise en œuvre de la directive MIF2 annoncée pour le 3 janvier 2018, le nombre de demandes de création et de renouvellement de LEI s’est fortement accru depuis l’été 2017 pour atteindre un pic en décembre 2017 et janvier 2018 puis décroître à partir de février 2018, tout en restant à un niveau plus élevé qu’auparavant (voir Graphique 2).

Graphique 2. Créations et renouvellements mensuels de LEI par l’Insee de janvier 2017 à septembre 2018

graphique2

En effet, jusqu’en mai 2017, le nombre de nouveaux LEI attribués (créés) par l’Insee chaque mois était compris entre 200 et 350. En juin, juillet et août 2017, il se situait plutôt entre 400 et 500. Puis, à l’approche de la mise en œuvre effective de MIF2, il a augmenté très fortement, pour atteindre 5 700 en décembre 2017 et dépasser 6 400 en janvier 2018 avant de redescendre aux alentours de 3 000 en février et mars 2018, aux environs de 1 500 en juillet 2018 et se situer juste au-dessus de 800 en septembre 2018.

De ce fait, fin septembre 2018, le stock de LEI valides en gestion à l’Insee atteignait presque le triple de son niveau d’un an auparavant, avec 48 948 LEI valides dont 40 775 sociétés et 7 786 fonds.

Si assez naturellement, les fonds constituaient au démarrage de l’initiative la plus grosse population des LEI enregistrés par l’Insee (environ 40 % début 2015 et encore 38 % en juin 2017), ils ne représentent plus que 16 % des LEI émis suite à la mise en œuvre de la directive MIF2 (Tableau 1).

Tableau 1. Répartition par type d’entité

tableau1

Le nombre de sociétés parmi les LEI valides émis par l’Insee a presque quadruplé entre fin juin 2017 et fin septembre 2018 et les caractéristiques des entités concernées ont évolué. Les sociétés n’appartenant pas à un groupe y ont un poids plus fort (54 % fin septembre 2018, contre 35 % fin juin 2017). Au regard de la catégorie d’entreprise définie par la loi de modernisation de l’économie (LEM) de 2008, les parts des Grandes entreprises (GE) et des Entreprises de taille intermédiaire (ETI) ont diminué au profit des Petites et moyennes entreprises (PME) et plus particulièrement au profit des Microentreprises (ME) (Tableau 2).

>Tableau 2. Répartition des LEI des sociétés par catégorie d’entreprise au sens de la LME

tableau2

De manière similaire, au regard du chiffre d’affaires (CA) et des effectifs, c’est également la part des plus petites qui a crû. En effet, fin septembre 2018 plus de la moitié (63 %) des sociétés ayant un LEI valide ont moins de 1 million d’euros de CA alors qu’elles n’étaient que 30 % dans ce cas fin juin 2017. Et 62 % de celles enregistrées fin septembre 2018 avaient moins de 5 salariés au 31 décembre 2015 contre 48 % de celles enregistrées fin juin 2017.

La mise en application de la réglementation MIF2 a également induit une modification de la répartition sectorielle des sociétés ayant un LEI valide. Si le secteur des activités financières et d’assurance reste en tête en maintenant sa part à 26 %, le secteur du commerce et de la réparation d’automobiles et de motocycles voit sa part diminuer de 23 % à 14 % entre juin 2017 et septembre 2018 et passe en 3e position après celui des activités immobilières qui remonte en 2e position avec une part de 16 % contre 14 % en juin 2017. Le secteur des activités spécialisées, scientifiques et techniques reste quant à lui en 4e position en doublant presque sa part pour atteindre 13 %.

Fin septembre 2018, un peu moins de 1 % du nombre total de sociétés du secteur productif marchand avaient un LEI. En pondérant par les effectifs, ces sociétés regroupent 11 % des effectifs du secteur productif marchand, et en pondérant par le CA, 16 % du CA de l’ensemble du secteur productif marchand.

Une activité à part entière pour l’Insee

L’Insee est engagé dans l’attribution de LEI depuis juillet 2013, avec l’ouverture du site https://lei-france.insee.fr. Depuis juillet 2014, ce site permet aux demandeurs de réaliser la certification et le renouvellement en ligne via identifiant et mot de passe, ainsi que de payer en ligne les frais associés. On y trouve également les fichiers de LEI émis par l’Insee en open data. Outre la gestion de répertoires (attribution d’identifiants sans doublon, validation des données déclarées...), l’activité d’émetteur de LEI comporte également des volets non négligeables de réponse à la demande et de facturation. L’ensemble nécessite aussi bien entendu des travaux de spécification et de développement informatique, ainsi que des relations très étroites avec la Gleif et une forte réactivité dans la prise en compte des évolutions pilotées au niveau mondial.

Conformément aux prescriptions de la Gleif, l’Insee a mis en place en janvier 2013 une unité dédiée à son activité de LOU émetteur de LEI. Cette unité, située au sein de la division qui gère le répertoire Sirene, est rattachée à la Direction des statistiques d’entreprises. Elle gère l’application LEI, qui se compose du site internet et d’un ensemble de traitements permettant en particulier d’attribuer les LEI et de valider les données de référence par appariement au fichier Sirene géré par l’Insee et au fichier des fonds géré par l’AMF. Elle veille à la mise à jour de ces données en cas de modification des informations détenues dans les fichiers de référence.

Des perspectives de développement intéressant les statisticiens

Jusqu’à présent, l’initiative a été guidée par des préoccupations essentiellement micro et macroprudentielles. Dans les pays ayant déjà imposé l’usage du LEI, les entités identifiées sont autant de partisans d’une extension du LEI à d’autres usages. Par ailleurs, les autorités n’ayant pas encore intégré l’utilisation du LEI dans leur système de supervision, pourront s’appuyer sur les exemples réussis de mise en œuvre réglementaire (loi « Dodd- Franck », règlements EMIR, MIF2). Enfin, l’extension géographique progressive se poursuit et devrait accroître mécaniquement le nombre de LEI émis.

Bien qu’ambitieux et multiples, les objectifs évoqués par le groupe d’experts et repris dans la Charte ne font pour autant qu’une place limitée aux apports de l’initiative en termes de statistiques qui constituent un domaine naturel de développement.

En effet, les objectifs d’amélioration de la gestion du risque recouvrent largement les préoccupations statistiques. Il y a de fait, trois dimensions pour lesquelles l’adhérence entre les objectifs des statisticiens et de la gestion du risque est certaine :

  • l’identification des entités ;
  • la classification des instruments financiers ;
  • l’identification des transactions.

Le LEI s’est attaché au démarrage essentiellement au premier aspect, et d’ores et déjà, il peut faciliter la production de statistiques en offrant un référentiel pour l’identification des contreparties dans des opérations financières. Complété par un code secteur de comptabilité nationale, il permet d’offrir une matrice de rattachement des entités qui pourrait être mise à disposition des déclarants statistiques (essentiellement les banques). Dans le même esprit, l’identification des agents non financiers dans les contreparties de la masse monétaire en serait facilitée et le recensement des opérations transfrontalières dans les balances des paiements plus aisé. De manière générale, le LEI peut servir de base à un référentiel statistique permettant un passage plus aisé des données individuelles aux statistiques agrégées. Dans un contexte où les statistiques puisent de manière croissante dans les données granulaires, le LEI apparaît comme un élément important de développement.

La deuxième étape de l’initiative LEI lancée mi-2017 (la déclaration des parents direct et ultime au sens de la consolidation comptable et des liaisons financières) devrait par ailleurs permettre la construction d’une cartographie des groupes d’entreprises par tous les acteurs publics et privés (et compléter celle réalisée par l’Insee à travers le répertoire LIFI des liaisons financières). Elle conforte ainsi le rôle du LEI en tant qu’outil statistique, objet d’étude et de recherche. D’ores et déjà, l’analyse de la dispersion géographique des LEI est porteuse d’enseignements sur l’intégration dans l’économie mondiale de certaines zones géographiques. À l’avenir, l’analyse des structures des groupes et de leur évolution permettra d’élargir un domaine de recherche pour l’instant insuffisamment exploré.